Wilhelm Reich

 

Wilhelm Reich

     Médecin, psychiatre et psychanalyste. Il est né le 24 mars 1897 à Dobrzcynica, (Autriche-Hongrie à l’époque mais aujourd'hui située en Ukraine). Il meurt en prison le 3 novembre 1957 (à l’âge de 60 ans) à Lewisburg, Pennsylvanie, États-Unis.

     Ses nombreuses expériences consistaient à montrer qu’une « énergie libidinale » pouvait être caractérisée par des mesures simplement électriques, détectées par un oscilloscope. Cette interrogation le mena ensuite à une « pulsation » générale portant sur l’étude des réactions des monocellulaires à leur environnement, qui l'inclina à cette question plus générale « Qu’est-ce que le vivant ». Ces observations lui ont permis de conclure que le monde tournait autour du concept de « l’orgone », terme correspondant à sa description de « l’énergie de la Vie ».

     Âgé de 22 ans lorsqu'il prend contact avec la psychanalyse, il est le plus jeune collaborateur intégré dans le cercle intime de Sigmund Freud à Vienne ; il est connu pour ses contributions à la sexologie et à la thérapie psychanalytique, son engagement en faveur de l'émancipation de la satisfaction sexuelle, la cuirasse caractérielle et ses recherches sur « l’énergie d'orgone ». Ses prises de positions le feront, plus tard, entrer en conflit avec Freud, et le mèneront à son exclusion de l'Association psychanalytique internationale en 1933.

     Après la Première Guerre mondiale, au cours de laquelle il combat sur le front italien, il devient médecin, puis psychiatre, et s'intéresse à la philosophie, aux sciences naturelles et à la sexologie naissante. Après des conférences sur la psychanalyse données en marge de ses études de médecine, il rencontre à l'université de Vienne Sigmund Freud, qui lui offre deux de ses livres et l'encourage. Il participe activement au séminaire de psychanalyse dont il devient rapidement le sous-directeur, et publie plusieurs ouvrages, dont l'un sur la « fonction de l'orgasme » (1927) qu'il dédicace à son Maître.

     Reich pose l'hypothèse que, pour une grande part, la cause des névroses est d'origine socio-économique (problèmes de logement, indépendance économique de la femme, difficultés de contraception). Il forme un groupe de médecins et d'infirmiers pour aider les personnes des quartiers pauvres de Vienne et crée un dispensaire psychanalytique gratuit pour les plus démunis. En septembre 1929, il voyage en URSS où il rencontre la pédagogue Vera Schmidt.

     Il déménage en 1930 à Berlin où il adhère au K.P.D, le parti communiste d'Allemagne. Là, il dispense des conseils en matière de sexologie et donne des cours à l'école marxiste des travailleurs. Il s'implique également dans les travaux de l'Institut psychanalytique de Berlin. En désaccord avec l'apolitisme de la Société de psychanalyse, il regroupe autour de lui des psychanalystes « de tendance marxiste, et contribue à la théorisation du freudo-marxisme.

     Poursuivant son engagement auprès des masses, il crée Sexpol, un centre public de recherches et de discussion sur les conditions de vie contemporaines et les conditions d'épanouissement de la satisfaction sexuelle dans les milieux populaires. Dès cette époque, il introduit dans sa pratique psychanalytique le concept de cuirasse caractérielle.

     Ses relations avec Sigmund Freud sont amicales tant que Reich « s'en tient à la psychanalyse », et il fait partie du cercle de ses intimes. Mais un désaccord survient à propos de la théorie freudienne sur Thanatos et Éros : selon Reich, Thanatos — « l'instinct de mort » qui permet à la psychanalyse de justifier le masochisme et la compulsion de répétition — n'est qu'une pulsion secondaire, acquise au cours de la vie du souffrant, et non comme chez Freud une fonction primaire. Avec le risque consécutif à la persécution des communistes par le nouveau régime nazi, leurs relations se détériorent.

     En 1933, l’association psychanalytique internationale lui demande de démissionner mais il refuse, et apprend en 1934 qu'il ne fait plus partie de la liste des membres. En danger en tant que juif et communiste, il fuit l'Allemagne nazie. En 1935, la Gestapo décrète la destruction de tous ses ouvrages.

     Il s'exile en Autriche, à Vienne, d'où « l'hostilité croissante des milieux psychanalytiques » le contraint à repartir. Toutefois, ses travaux et conférences sur la famille influencent le groupe des Révolutionnaires communistes d'Autriche.

     Il se rend ensuite en Suède et en Norvège, où il entreprend des recherches sur la « fonction biologique de la sexualité et de l'angoisse » (Biological function of sexuality and anxiety) avec l'aide d'une nouvelle équipe, formée de médecins, de psychanalystes, d'un ingénieur en électricité. Ces travaux le conduisent à s'intéresser à la biogenèse et à élaborer la théorie des « bions ». À l'invitation du professeur Schjelderup, directeur de l'Institut de physiologie de l'université d'Oslo, il donne des cours sur l'analyse caractérielle. Les résultats de cette période norvégienne sont publiés en 1937 sous le titre « Étude expérimentale de la fonction électrique de la sexualité ».

     En 1939, il passe en Grande-Bretagne où il rencontre l'ethnographe Bronisław Malinowski. À cette occasion, il relève que les observations de Malinowski sur les peuplades primitives des îles Trobriand confirment les théories sur l'évolution du matriarcat au patriarcat et l'influence primordiale des conditions économiques sur les pratiques sexuelles, thèses qu'il avait déjà formulées dans un ouvrage publié en 1932, L'Irruption de la morale sexuelle. Il entreprend une nouvelle rédaction de ce livre à la lumière de ces nouveaux éléments. Malinowski l'invite à le rejoindre aux États-Unis, pour occuper un poste de maître de conférences.

     Embarqué le 19 août 1939, Reich est accueilli aux États-Unis à la fin du mois par son traducteur Theodore Wolfe. Il s'établit à New York, où il enseigne la psychiatrie et l'analyse caractérielle à la New School for Social Research. Il exerce parallèlement comme psychiatre-psychanalyste dans son cabinet privé. En 1939, il est élu membre honoraire de la société internationale de plasmogénie. Après perquisition de son appartement par le FBI à la suite de l'attaque de Pearl Harbor, il passe Noël 1941 en prison, car il est soupçonné par J. Edgar Hoover d'être un espion nazi. Il est libéré le 5 janvier 1942.

      Après quelques années, il achète en 1945, dans le Maine, une grande propriété de 80 hectares qu'il baptise Orgonon, où il crée « l’Orgone Energy Clinic », destinée au dépistage des maladies énergétiques (biopathies), et « l’Orgonomic Infant Research Center », consacré à l'étude de l'enfant depuis le stade prénatal jusqu'à l'adolescence. Il y poursuit ses travaux avec ses assistants dans le domaine de la biologie et de la biophysique, y tient des conférences sur ses découvertes, ses inventions et l'évolution de ses recherches, y édite un journal et reçoit les visites de ses collaborateurs. Ce lieu est actuellement le musée Wilhelm Reich ; il se situe à Rangeley.

     Le 15 décembre 1950 commence l'expérience Oranur (Orgonotic Anti-Nuclear Radiation). Reich enferme une aiguille de radium soigneusement isolée par une couche de plomb dans un de ses accumulateurs. Son but est de vérifier si l'orgone concentré peut contrer les effets mortifères des radiations atomiques. En février de l'année suivante, l'expérience aboutit à une catastrophe énergétique, le lieu devenant inhabitable.

     Par ailleurs, Reich propose à des patients volontaires un traitement expérimental susceptible de les aider à mieux vivre leur cancer, les malades s'irradiant dans un « accumulateur d'orgone » et bénéficiant parallèlement d'une « végétothérapie caractério-analytique ». Des prélèvements sanguins (quelques gouttes de sang) sont réalisés pour évaluer les effets de l'irradiation sur l'organisme.

     Reich suscite les critiques de la communauté psychanalytique et médicale américaine. En dépit de ses titres de docteur en médecine et de psychiatre et de son passé de chef de séminaire au cours de sa période psychanalytique, ces expériences sont considérées comme privant les malades de thérapie et les mettant en danger. À cette époque, comme lors de sa période scandinave, des rumeurs le qualifient de fou et de lubrique. « À partir de janvier 1942, attaqué de toutes parts, traité de charlatan par les psychiatres et de schizophrène par le milieu psychanalytique américain, Reich s'enfonça dans la folie, se croyant victime du grand MODJU, c'est-à-dire des fascistes rouges. Ce nom forgé par lui dérivait de MO (cenigo), personnage anonyme qui avait livré Giordano Bruno à l'Inquisition, et de DJOU (gachvili), alias Staline. » Selon Bela Grunberger et Janine Chasseguet-Smirgel, Wilhelm Reich était devenu paranoïaque, alors qu'Otto Fenichel le qualifie de schizophrène.

     Parmi ses inventions pseudoscientifiques, figure le cloudbuster (« téteur d'éther », ou « brise-nuage ») à l'aide duquel il prétendit faire pleuvoir, d'abord au cours de sécheresses dans le Maine, ensuite dans les régions arides (essais en Arizona en 1955-1957) ; et aussi repousser les tempêtes. Plusieurs versions de l'appareil ont existé, le principe demeurant le même.

     Son fils Peter Reich, dans son livre A Book of Dreams, décrit le plaisir qu'ils prenaient ensemble à faire pleuvoir grâce au cloudbuster. Kate Bush découvre ce livre en 1976, il lui inspire en 1985 sa chanson Cloudbusting qui, ainsi que le clip vidéo l'accompagnant, évoque les mésaventures arrivées à l'invention et à son inventeur.

 

Mort en prison

     Après des vérifications entreprises par la Food and Drug Administration, organisme public de répression des fraudes, un tribunal lui interdit la location d'accumulateurs d'orgone aux États-Unis. Outrepassant ces injonctions, il est arrêté deux fois. Jugé une première fois, il refuse de se présenter devant un tribunal une seconde fois, car il estime qu'il n'est pas de la compétence d'un tribunal civil de juger le propos d'une découverte scientifique. Il est condamné pour outrage à la cour à deux années d'emprisonnement en 1956 ; il meurt d'une crise cardiaque en prison le 3 novembre 1957.

 

     Ses œuvres sont, par décision de justice, brûlées dans l'incinérateur de Gansevoort, à Manhattan. Reich, qui influence la sexologie, pense que le désir peut être réalisé dans la satisfaction, évitant ainsi l'idéalisation du (des) partenaire(s), et théorise l'équivalence entre les objets. Au contraire, Freud théorise l'idéalisation comme projection de l'idéal du Moi sur l'objet.

     Les sexologues américains W. H. Masters et V. E. Johnson poursuivent la recherche bio-physique reichienne dans le domaine de la sexualité.

 

Bibliographie

 

Premiers écrits, vol. 1 (articles, 1920–1925), dont Conflits de la libido et formations délirantes dans Peer Gynt d'Henrik Ibsen (1920), Payot, 2006 (ISBN 2-2289-0090-7)

Premiers écrits, vol. 2 : la génitalité dans la théorie et la thérapie des névroses, Payot, 2006 (ISBN 2-2289-0102-4). Original allemand : Die Funktion des Orgasmus, 1927, remanié à partir de la théorie de l'orgone

Die Funktion des Orgasmus (1927) [archive], traduction du texte original [archive] dans une édition pirate épuisée (1975) chez les Éditions du Nouveau Monde, 17 impasse Lénine, 93 Montreuil

Matérialisme dialectique et psychanalyse [archive] dans La crise sexuelle, Éditions sociales, 1933. Original allemand : Dialektischer Materialismus und Psychoanalyse, 1929. Publié également dans la revue communiste internationale Sous la bannière du marxisme et dans la revue Kitej automne 2011 [archive]

La Lutte sexuelle des jeunes, François Maspero, 1972. Original allemand : Der Sexuelle Kampf der Jugend, 1932

Qu'est-ce que la conscience de classe ? écrit sous le pseudonyme d'Ernst Parell, traduction et édition de Constantin Sinelnikoff, 1971

L'Irruption de la morale sexuelle, Payot, 1999. Original allemand : Der Einbruch der Sexualmoral, 1932

L'Analyse caractérielle, Payot-poche, 2006 (ISBN 2-2289-0059-1). Original allemand : Charakteranalyse, 1933. Édition américaine : Character Analysis, 1945, 1949, réimp. FSG, 1980

La Psychologie de masse du fascisme, Payot, 1999. Original allemand : Massenpsychologie des Faschismus, 1933. Édition américaine : The Mass Psychology of Fascism, 1946, réimp. FSG, 1970

The Bions Experiments: on the Origine of Life, FSG, 1979. Original allemand : Die Bione, Oslo, 1938

La révolution sexuelle (en), Christian Bourgois, 1982. Original allemand : Die Sexualität im Kulturkampf, 1936

The Bioelectrical Investigation of Sexuality and Anxiety (articles, 1934–1938), FSG, 1982

Children of the Future: On the Prevention of Sexual Pathology (articles, 1928–1938), FSG, 1983

La Fonction de l'orgasme, L'Arche, 1986. Original allemand : Die Funktion des Orgamus. Traduction américaine : The Function of the Orgasm, 1942, 1948, réimp. FSG, 1973

La Biopathie du cancer, Payot, 1985. Original allemand : Der Krebs. Traduction américaine : The Cancer Biopathy, 1948, réimp. FSG, 1973

Écoute, petit Homme !23, illustré par William Steig, Payot, 1999. Original allemand : Rede an den kleinen Mann. Traduction américaine : Listen, Little Man!, 1948, réimp. FSG, 1974

L'éther, Dieu et le diable, Payot, 1999. Original allemand et américain : Ether, God and Devil, 1949, réimp. FSG, 1973

La superposition cosmique, Payot, 2001. Original américain : Cosmic Superimposition, 1951, réimp. FSG, 1973

The Oranur Experiment, 1951, xerox Wilhelm Reich Museum, Rangeley.

The Orgone Energy Accumulator, Its Scientific and Medical Use, 1951, xerox Wilhelm Reich Museum, Rangeley24

Le meurtre du Christ, traduit de l'américain par Pierre Kamnitzer, Champ libre, 1971. Original américain : The Murder of Christ, 1953, réimp. FSG, 1978

Les hommes dans l'État, Payot, 1978. Original américain : People in Trouble, 1953, réimp. FSG, 1978

Contact with Space, 1957, xerox Wilhelm Reich Museum, Rangeley

Selected Writings: An Introduction to Orgonomy, FSG, 1961

Reich parle de Freud, Payot, 1998. Original américain : Reich Speaks of Freud, FSG, 1967

L'Accumulateur d'orgone et son usage médical25

The Record of a Friendship: The Correspondence of Wilhelm Reich and A. S. Neill, FSG, 1984

Passion de jeunesse, L'Arche, 1997. Original américain : Passion of Youth: An Autobiography 1897–1922, FSG, 1988, 2005

Beyond Psychology: Letters and Journals 1934–1938, FSG, 1994

American Odyssey: Letters and Journals 1940–1947, FSG, 1999

Les œuvres complètes américaines de Wilhelm Reich (livres, articles et journaux de recherche) sont disponibles sur microfiches à la bibliothèque Sainte-Geneviève de Paris. Les œuvres psychanalytiques sont dans les archives des revues Internationale Zeitschrift für Psychoanalyse, Zeitschrift für Sexualwissenschaft, Zeitschrift für Ärztliche Psychotherapie, Internationaler Psychoanalytischer Verlag, etc.

 

La sortie du livre Mais qui êtes-vous vraiment est annoncée pour novembre