Analyse caractérielle des blessures et des troubles / le lien entre caractère et blessures

Analyse caractérielle des blessures et des troubles

 

     La généralité peut entrainer de graves erreurs de diagnostics, faute d’avoir différencié les caractères. Nous allons donc réintégrer l’analyse caractérielle dans le descriptif des blessures que nous venons de faire.

Sur la notion de complexe d’Œdipe 

     Freud et Reich ont décidé de qualifier de « sexuel » tous les incidents psychologiques et tous les drames de la conscience ; tout ce qui se situe donc en dehors des instincts de nutrition et de conservation. Ils voient dans l’intérêt que prend l’enfant à ses sensations organiques le signe d’une sexualité. André LE GALL (Caractérologie des Enfants et Adolescents à l’usage des parents et éducateurs Ed Presse Universitaire de France) considère « qu’il n’est pas exact que les troubles du moi soient tous des troubles d’étiologie sexuelle, il n’est pas exact non plus que la zone sexuelle soit aussi large dans l’espace et dans le temps ».

     En effet, la notion de caractère n’a pas été évaluée dans le complexe d’Œdipe. Pourtant bon nombre de signes liés à des troubles caractériels n’ont aucun rapport avec une étiologie sexuelle. Ce point est donc fondamental dans notre étude. L’enfant, comme nous avons pu le voir tout au long du livre, naît avec un caractère et construit ensuite sa personnalité autour de ce noyau. Partant, il convient de préciser que tous les caractères ne seront pas impactés de la même façon. Certains survoleront même les phases de développement pendant la petite enfance sans qu’elles n’aient aucun impact sur eux, c’est ce que nous allons aborder maintenant.

     Notons tout d’abord qu’il est fréquent qu’un enfant et un parent puisse avoir une affinité liée à des identités caractérielles, c’est-à-dire un caractère proche. Un garçon peut aimer sa mère mais s’entendre encore mieux avec son père et inversement, et ce, indépendamment de toute mécanique freudienne. C’est surement le cas de bon nombre d’entre vous. Le complexe d’Œdipe chez la fille a été moins facilement mis en avant par Freud. Ce que pensent certains caractérologues à ce sujet et aussi toute une branche de la psychologie, c’est que la relation fille-père ne peut pas rentrer dans le même schéma car l’enfant est avant tout lié à sa mère, au moins jusqu’à 3 ans et quel que soit son sexe, c’est bien elle qui aura, quoi qu’on en dise, le plus d’impact sur la petite enfance. L’attachement de la fille envers le père impliquera aussi la vigueur, la force ou le rôle social qu’il représente ce qui n’a que peu de rapport avec un conflit d’ordre sexuel.

      Notons aussi qu’il est fréquent que les conflits entre parents et enfants soient totalement d’ordre caractériel : imaginons par exemple un père violent qui serait alors peu enclin à gérer l’éducation de son fils ou de sa fille, un père laxiste, une mère trop sévère ou encore une autre inattentive aux cris et aux pleurs de son enfant. Beaucoup de traits de caractères, beaucoup d’attitudes ne favorisent pas un parfait épanouissement de l’enfant, voire laissent des traces indélébiles que nous développerons tout à l’heure. En retour, la réaction de l’enfant sera en fonction de son propre caractère. Certains enfants, dociles et conciliants, seront enclins à endurer l’éducation donnée, d’autres plus émotifs ou de caractères plus « complexes » entreront en conflit avec un ou les deux parents, quel que soit le sexe.

     Notons enfin que certains enfants particulièrement difficiles vont déclencher par leur attitude (cris, pleurs, émotions fortes…) la sévérité ou l’impatience des parents, renforçant ainsi le mécanisme de création des blessures, pouvant aller jusqu’au déclenchement de troubles de la personnalité dans les cas les plus complexes ; nous développerons cette partie un peu plus loin.

     Un enfant difficile face à un parent conciliant n’aura pas le même développement de sa personnalité que celui dont les parents manqueront de savoir être, de valeur ou de morale. Nous verrons plus tard également que le milieu social et éducatif aura un impact déterminant sur l’enfant eu égard à l’ancrage dans le temps des blessures, des troubles de la personnalité et des névroses. Quel que soit le schéma, la psychanalyse oublie le point fondamental qui est de situer l’enfant dans sa personnalité et son caractère intrinsèque. C Jung a proposé une classification qui fut reprise par la suite par le fameux MBTI (16 personnalités identifiées), mais le fait qu’il pose en premier lieu les catégories freudiennes avant les caractères fausse les données et rend l’analyse trop vague, trop générale et par conséquent peu efficace. C’est bien pour cette raison qu’à quelques semaines d’intervalle, on puisse avoir des résultats au test MBTI différents pour une même personne.

La sensibilité de l’enfant augmenterait donc l’intensité des blessures ?

     La question qui se pose en effet, est d’établir une corrélation entre les blessures profondes de l’enfance et le caractère inné de chacun. Peu d’études ont abordé le sujet et donc peu de sources fiables et disponibles laissent transparaitre un lien entre la sensibilité de l’enfant et sa perception du monde environnant. Aussi, nous allons remonter une fois de plus dans les années 50-60 pour retrouver des sources précises et des études très poussées sur l’analyse caractérielle.

     André LE GALL considère que certains caractères ne subissent pas les effets de l’évolution des blessures classiques de l’enfance. Les actifs et les inémotifs « ne laissent aucune place ici pour les complexes », faisant là allusion à l’impact du complexe d’Œdipe sur l’enfant puis sur l’adulte. Il considère que « la naissance même des complexes exige un caractère émotif, et leur survie un caractère inactif ». Il ajoute que, en conséquence : « ni les sanguins, ni les flegmatiques, ni les amorphes, ni les apathiques d’une part qui sont des inémotifs, ni les colériques, ni les passionnés d’autre part, qui sont des actifs, ne peuvent répondre aux descriptions freudiennes ».

    Partant de ce postulat, nous allons essayer de comprendre pourquoi d’un caractère à un autre les impacts et l’intensité des blessures ne seront pas les mêmes. Il faudra aussi intégrer le fait que l’émotivité sera le facteur déterminant de la sensibilité de l’enfant à son environnement.

     Si vous étiez un enfant hypersensible, les yeux grands ouverts sur le monde, sensible à la nuit qui tombe, aux bruits de la maison, aux cris de vos frères et sœurs, aux réflexions de vos parents, vous aviez peut-être, qui plus est, une forme d’hyperesthésie olfactive ou gustative ; ainsi, vos sens développés vous ont mis en alerte sur tous les risques potentiels que représentait votre bulle familiale ou votre école. Il est évident que la moindre remarque de vos parents, le moindre conflit aura eu un retentissement émotionnel fort et d’autant plus fort que votre secondarité entrainait cet écho émotionnel dans les méandres de vos ruminations mentales. Rappelons-nous dans la classe de sixième que nous avons étudiée, ce petit Côme qui n’osait à peine lever le doigt alors qu’il avait la réponse et dont la réponse était brève par soucis de ne pas ennuyer ni la classe, ni l’instituteur. Chez eux, le complexe d’Œdipe est empreint d’une tendresse singulière vis-à-vis de la mère, qui contraste singulièrement avec l’extraversion agitée des enfants « insensibles ».

     Imaginez maintenant un père acariâtre, agressif ou trop strict. Quel impact aura-t-il sur l’enfant sensible ? Peu de choses suffiront pour que l’enfant ait suffisamment d’arguments valables pour se réfugier dans les jupons de sa maman. Une éducation sévère ou un père absent ou trop envahissant lorsqu’il est là, incitera l’enfant émotif à revenir vers sa mère mais, si cette dernière se détourne de lui il n’aura plus qu’à tourner son imagination subconsciente vers le temps où il était l’enfant chéri de sa maman. Cela deviendra sa préoccupation majeure. L’enfant rejouera à ses jeux d’enfants ou ressortira son doudou ou sa poupée... Les blessures ne peuvent grandir que si un certain contexte familial vient investir les virtualités du caractère de l’enfant. Ainsi, les sentimentaux et les nerveux, émotifs et inactifs, sont les deux types de caractère les plus susceptibles de subir les effets des blessures et des complexes dans un environnement qu’ils vont considérer comme peu rassurant voire hostile. Le sentimental, sensible et introverti, est prédisposé à trouver un refuge maternel dans la tendresse que lui procure sa mère. Au fur et à mesure qu’il se détache du monde, il s’attache à sa mère. La nuance entre le sentimental (secondaire) et le nerveux (primaire) sera de l’ordre de l’attitude. Le premier se blottira et fusionnera avec sa mère, alors que le second aura des scènes de jalousie et des éclats violents de colère. Les deux auront des phobies et des peurs : du noir, de la nuit, des araignées, des brocolis ou du chou-fleur. Ils feront pipi au lit pour garder plus près d’eux l’amour maternel. Plus tard, l’adulte blessé n’ayant eu d’autres horizons que le sein de sa mère, et, meurtri par les réminiscences du passé, pourra se résigner au célibat ou à rentrer dans les ordres comme ce fut le cas à une certaine époque où « le couvent fut plus une bouée de sauvetage qu’une réelle vocation », comme le soulignent plusieurs caractérologues de Groningue. L’enfant intelligent prendra conscience de la situation grâce à sa capacité d’analyse des différentes situations traumatiques vécues et son aptitude à rebondir et à comprendre la situation quand il aura mis des mots sur ses maux. Mais c’est bien son efficience qui peut aussi potentiellement le pénaliser dans la mesure où il comprendra tôt, plus tôt que les autres enfants, qu’il n’est pas normal qu’un adulte agisse ainsi.